Beaucoup d’observateurs s’attendent à ce que 2016 soit l’année du répit pour la guerre des prix. Partagez-vous cette vision ?
Véronique Nguyen : Non. Je pense peu probable que la tendance se retourne en 2016. Ce serait pourtant l’intérêt des groupes de la distribution, et c’est même une volonté de la BCE qui souhaite le retour de l’inflation. aucune enseigne ne pourra laisser ses concurrents lui prendre des parts de marché grâce à des prix plus agressifs. La rivalité entre acteurs continuera à se jouer sur le terrain des prix, au détriment de leur profitabilité.
Pourtant, il y a bien une limite physique au-delà de laquelle les enseignes ne pourront pas aller ? Les marges, très faibles, ne peuvent pas être rognées à l’infini ?
Véronique Nguyen : Les premières victimes de la guerre des prix, ce ne sont pas les distributeurs, ce sont les fournisseurs qui doivent supporter une pression sur les prix toujours plus forte. Et si certains fournisseurs de produits incontournables peuvent refuser de « casser leurs prix » , en prenant le risque de perdre des ventes, les producteurs de « commodités », c’est-à-dire de produits non différenciés, doivent encaisser le choc. Les enseignes qui, sont en position de force dans la chaîne de valeur, feront toujours trinquer les plus faibles !
Aucune enseigne n’a intérêt à cette guerre des prix, qui ne change même pas la hiérarchie. Pourquoi est-il alors inenvisageable de trouver une porte de sortie ?
Véronique Nguyen : En raison du dogme libéral qui sous-tend la construction européenne. Le droit de la concurrence défend le consommateur en lui assurant que le libre jeu de la concurrence tirera les prix vers le bas. Certains ministres français, notamment Montebourg, avaient bien compris que les entreprises livrées à elles-mêmes ne pouvaient enrayer seules cette spirale baissière, qui se traduisait forcément par des morts et une consolidation du secteur.
La Guerre des Prix, L’inconnue de 2016, Points de Vente, Février 2016