Génération Low Cost. L’amour et l’amitié Low Cost.

A l’heure où les magnifiques lettres d’amour de François Mitterrand sont portées à la connaissance du public, l’amitié et l’amour à l’ère digitale apparaissent dans toute leur indigence. Le Low Cost n’est pas seulement un business modèle gagnant, il s’est généralisé à la sphère sociale.

D’un point de vue économique, le Low Cost consiste à se concentrer sur la satisfaction du besoin premier, avec une offre simple, épurée des attributs de valeur superflus. Pour obtenir une baisse drastique des coûts, des pans entiers de la chaîne de valeur sont supprimés, tandis que d’autres maillons font l’objet soit d’une standardisation, soit d’une co-production par le client. Au total, la rentabilité est améliorée grâce à la diminution des coûts et à la meilleure rotation des actifs.

Que produit le Low Cost appliqué à l’amour ? Le sexe puis le porno. La relation amoureuse classique est en effet pleine d’attributs de valeur « superflus », qui peuvent être supprimés pour parvenir à la satisfaction du besoin premier : l’intimité des corps. La chaîne de valeur amoureuse peut ainsi être reconfigurée pour accélérer le contact charnel et maximiser le plaisir par rapport au temps et à l’énergie investis. A la trappe donc la séduction, la connivence, le soutien, les discussions, les moments partagés, les échanges de compliments, de dévoilements et d’attentions.

Le sexe peut aussi bénéficier, à son tour, d’un réengineering Low Cost. Les rires, les chuchotements, les confidences, les caresses, la prévenance, la synchronisation sont des étapes qui peuvent être éliminées pour aller à l’essentiel : l’orgasme. Comme l’orgasme n’est plus l’aboutissement naturel et paroxystique de la rencontre de deux êtres singuliers, il doit être induit et produit par la consommation de contenus standardisés d’excitation sexuelle. Le modèle low cost atteint son apogée quand l’individu solitaire co-produit sa jouissance devant un écran. De la même manière qu’il monte tout seul, chez lui, son meuble Ikea, l’homme moderne termine seul, dans son coin, le travail de l’industrie du porno.

L’amitié n’échappe pas à la domination Low Cost. La digitalisation a enfin permis de faire triompher la massification et d’en finir avec les étapes superflues et redondantes de l’entretien de l’amitié. Fini le sur-mesure, le face-à-face et le dilettantisme. Bienvenue dans l’ère de l’industrialisation de la gestion de ses relations amicales. Grâce aux réseaux sociaux, le besoin premier d’être en contact permanent avec ses amis et d’en être apprécié (grâce aux fameux « likes ») est assouvi. Ce que l’être humain a gagné en extension et à en mise en scène de lui-même, il l’a toutefois perdu en profondeur et en soutien réel.

La généralisation du modèle Low Cost à toutes les facettes de l’existence humaine se traduit ainsi par une montée de la solitude dans toutes les catégories socio-professionnelles (Fondation de France, 2013) et notamment chez les jeunes adultes puisque 45% d’entre eux, âgés de 18 à 35 ans, déclarent se sentir seuls (La Croix, 2012). Triste condition de l’homme moderne qui achète discrètement low-cost, entretient des relations low cost, tout en exhibant les marques premium qui rehaussent son prestige et laissent croire à sa noblesse d’âme.

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